jeudi 19 mars 2009

De l'impro...

Comme j'ai la tête très prise par ça, je vais vous raconter ce qu'est un cours d'impro et ce qu'est un match d'impro. J'ai eu l'occasion de me rendre compte que souvent, les gens ignorent ce dont il s'agit et en ont un peu peur (surtout quand il faut monter sur la scène, répulsion garantie).

Tout d'abord, un peu d'histoire. L'improvisation est née au Québec avec ce constat des comédiens : les gens vont massivement voir des matchs de hockey sur glace et désertent les salles de théâtre. Il faut trouver un moyen de les attirer davantage. Aussitôt dit, aussitôt fait. On invente un type de spectacle sans texte (donc pas du théâtre) où la scène est transformée pour donner un aspect de patinoire ; on crée un arbitre, équipé comme il se doit, et suppléé par deux assesseurs (ses les juges de touche, en quelque sorte) ; on crée des règles - et donc des fautes ; le public est sollicité car il peut jeter des chaussettes s'il n'est pas content (la tradition veut que ce soit l'arbitre qui les reçoive car il est méchant. Bouh...) et c'est aussi lui qui "note" les performances et donne ainsi la victoire à l'une des deux équipes ; les comédiens (deux équipes de 6) sont habillés en jogging et maillots d'équipe numérotés et si possible nominatifs ; les troupes artistiques commencent le spectacle en chantant a capela leur hymne. Bref, on fait un match de hockey sans sport mais avec du théâtre non directif. Les spectacles d'improvisation sont faits pour être majoritairement drôles et c'est un vrai plaisir d'y assister.

Tout cela pourrait créer un esprit de compétition. Et bien ce n'est absolument pas le cas. En fait, le match n'en est un que pour le public qui le regarde. Les improvisateurs sont souvent des gens qui ne se connaissent pas et se rencontrent sur la patinoire en ignorant totalement ce que l'autre veut et va faire. Or, pour réussir une scène, il faut monter une histoire et le faire tous ensemble. Il est donc obligatoire de jouer AVEC l'autre et non pas CONTRE l'autre. L'ambiance est donc détendue, l'entraînement pré-spectacle (très physique, je vous assure !) en commun est joyeux, l'apéro de décompression l'est tout autant (très physique aussi...).


En quoi consiste un cours d'improvisation ? Avant de vous faire une description, je souligne qu'il s'agit ici de vous embrigader afin de colporter la Bonne Nouvelle : l'Impro est parmi nous. Bref, c'est de la pub.

Un cours commence par 5 petites minutes de relâchement. Excellent pour les gens stressés, il consiste en gros à fermer les yeux et à respirer le plus lentement et profondément possible. Personnellement, à ce stade, il m'arrive de faire des hypoxygénies (joli barbarisme, non ? La création est un passage obligé en impro) mais ça relaxe quand même.

Le cours enchaîne directement avec des exercices pour développer les capacités indispensables à l'improvisation : le placement, l'écoute, le laisser-aller, l'imaginaire. En impro, il y a des règles à respecter et elles ne sont pas forcément innées. La première d'entre elles : il est interdit de refuser l'autre. Par exemple, si on vous dit qu'un nouveau sauna vient d'ouvrir pour les laids et que ça serait marrant d'y aller, vous devez répondre "oh oui !!! On va enfin se sentir chez nous. Et on pourrait même se faire des plans à plusieurs !!!", ce à quoi l'autre dira certainement "Super idée, en plus j'ai pensé à prendre ma caméra...". Bref, il est impossible de dire non (la raison : un refus bloque l'histoire et tue l'impro en cours).
Une autre règle : on est ce que l'on joue et on ne force pas l'autre à être différent de ce qu'il veut jouer. Il est interdit, par exemple, de dire à l'autre de but en blanc "tu as 10 élèves de plus dans ta classe de maths ?!?". Rien ne vous dit qu'il est professeur ou étudiant et s'il avait décidé d'être trapéziste, et bien ça lui donne une belle occasion de faire une acrobatie renversante et vous de la fermer. Il faut donc savoir écouter l'autre pour comprendre ce qu'il est (on évite soigneusement de débarquer en criant : je suis un policier et je porte ma matraque du coté gauche, on le mime. Sinon ça casse l'effet : a-t-on déjà vu les gens arriver en criant qui ils sont ?).

Les exercices sont particulièrement amusants à partir du moment où vous oubliez que vous êtes ridicules : non seulement les autres le sont aussi, non seulement le ridicule ne tue pas - je témoigne - mais en plus, plus vous sur-jouez et plus c'est crédible et magique. Quelques exercices sympa ? Le chouba, un système de passation d'énergie qui rempli les batteries de tout le monde à fond (à la sortie du cours, elles seront totalement vidées). Les machines sont aussi extraordinaires. Un thème au hasard : machine à voyager dans le temps. Chaque personne doit se greffer, une à une, sur la scène, pour mimer un mouvement cyclique et bruité correspondant au thème. Par exemple, quelqu'un pourrait faire un cadran d'horloge tournant en sens inverse, un autre faire un dinosaure qui apparaît et disparaît, un troisième l'évolution de l'homme, etc. la magie étant quand les personnes se mettent à interagir entre elles (le quatrième pourrait remonter l'horloge de temps en temps, etc.).

Un exemple de machine à pizza...



Le cours continue et se termine par les petites impro et des exercices de mise en situation. Ce sont des mises en condition pour les scènes de match. Une scène est caractérisée par son sujet (par exemple "belle du seigneur"), son nombre de joueur de chaque équipe, le temps (30s, c'est très très court, 5 minutes, c'est une éternité) et son thème. Le thème est un point fondamental. L'improvisation doit se développer dans ce cadre. Quelques exemples de thèmes : far west, horreur, roman photo (les joueurs se figent et des joueurs cachés disent des phrases à chaque pose, comme si on enchaînait les photos), sidcom (cette fois l'action se déroule normalement mais niaisement et les joueurs cachés agrémentent sans cesse de rires "pré-enregistrés"), tragédie grec (les joueurs cachés se lèvent régulièrement avec une petite phrase chantée : c'est le cœur), Marguerite Dumas (il faut l'avoir lu pour comprendre cet instant de dépression profonde), peau de chagrin (la même impro est jouée plusieurs fois mais sur un temps qui est divisé par 2 à chaque fois...), etc.

Un exemple valant plus que de longs discours...


Pour finir, l'impro est un moyen extraordinaire de s'amuser, de s'accepter, de rire, de laisser libre son imagination, de s'ouvrir aux autres. Bref, faites de l'impro.

C'était long mais chaque mot est une raison supplémentaire pour faire (ou voir) de l'impro...

2 commentaires:

  1. Ca a l'air excellent comme truc. J'ai toujours du mal avec les impros mais je pense que c'est un exercice intéressant

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  2. C'est comme tout, ça se travaille, mais c'est vraiment un truc où je me marre systématiquement, quelque soit mon état et les gens avec qui je suis. Une vraie source de rire et de plaisir. Le reste n'est que bonus.

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