mardi 19 mai 2009

La minute de Pavel

Vous ais-je déjà parlé de Pavel Morozov, le « pionnier-héros numéro 001 de l’Union Soviétique » ? Non, bien sûr, puisque je ne connais son existence que depuis hier. Arrangeons tout de suite cette lacune historique temporaire.

Pavel Morozov est né en 1918 et mort en 1932. Issu d’une famille de paysans russes de la région du mont Oural, il était le fils aîné du chef du village. Lui-même était pionnier, c'est-à-dire membre de l'organisation des jeunes communistes de l’URSS.

Le père de Pavel était responsable du soviet local et, en tant que tel, était en relation avec les plus hautes autorités du pays. Vers 1931-1932, la famine frappe le pays et les bolcheviks réquisitionnent la nourriture. Or Pavel soupçonne son père de dissimuler du grain à l’État et de couvrir des condamnés à l’exil. Il le dénonce donc à la police secrète qui arrête son paternel et l’envoie en déportation. Les autres membres de la famille, notamment son grand père paternel (Sergueï), décident de venger le déporté en tuant le fils. Finalement, toute cette petite troupe de justiciers est arrêtée, jugée et exécutée en tant qu'ennemis du peuple.

Bien sûr, cette histoire est du pain béni pour les autorités communistes qui firent de Pavel Morozov un martyr et un héros. Son titre officiel devint « pionnier-héros numéro 001 de l’Union Soviétique ». L’État en fit un exemple pour tous les pionniers russes et la jeunesse de l'Union Soviétique en donnant son nom à des écoles, en lui érigeant des monuments, etc. Une statue lui était élevée à Moscou et un chant exaltait même son histoire. Cette proclamation dura plus de 60 ans et la morale affichée était la suivante : il faut vivre pour l’État et non pour sa famille, avec un fort relent de délation et de dénonciation anonyme.

Jusqu’ici, vous me direz que vous ne voyez pas bien l’intérêt de cette histoire. qui ressemble à d'autres qu'on vous a déjà raconté. Vous avez raison : la partie croquante commence à partir d’ici.

Pavel n’a jamais été pionnier. Il n’y avait d’ailleurs aucune structure de pionniers dans son village. Il savait à peine lire et écrire et n’avait aucune conscience politique solide. Pavel n’a pas non plus dénoncé son père mais plutôt son grand-père, à cause d’un différent. Ceci dit, il n’a jamais commis l’acte de trahison qu’on lui attribuait.

Pavel a bien été tué mais absolument aucune preuve n’a été trouvée pour appuyer la culpabilité de la famille de Pavel, mis à part quelques citations de Staline (hum hum…). Cette dernière fût néanmoins torturée et condamnée à mort. En fait, il est possible que toute cette histoire fût montée par les services secrets soviétiques uniquement dans un but de propagande. Pavel a été présenté comme pionnier pour que sa famille passe pour une bande de terroristes politiques. Il est même possible que ce soit la police secrète elle-même qui ait assassiné Pavel afin de créer son image de martyr.

Quand j’ai vu la photo de Pavel Morozov, avant de lire sa biographie, j’ai eu un réflexe intérieur de répulsion dégoûtée face à son image. A présent que je connais davantage la manipulation qui a entouré sa vie – et sa mort – je ressens une sorte de gène en moi en le regardant, pour l’avoir jugé trop vite et bien mal. Ce n’était qu’une faible victime et je me suis fait avoir par la petite phrase qui était associée avec la photo, « pionnier-héros numéro 001 de l’Union Soviétique ». Je suis formaté et prêt à cracher sur une victime...

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