jeudi 9 avril 2009

L'auto-dérision

Je suis perplexe face à une question à laquelle je ne sais que répondre.

Ce matin, pendant la pose café de ma boite, un collègue a monté six étages à pieds. Parce qu'il était légèrement essoufflé en arrivant à destination, il a reçu quelques commentaires amusés selon lesquels avoir remplacé le trajet maison-boulot du matin et du soir en rollers par un trajet en moto l'avait physiquement considérablement affaibli. Quelqu'un d'ajouter que ça n'aurait pas été le cas s'il y avait eu des pédales sur l'engin mais qu'il n'y en a pas. C'est à ce moment que j'ai failli lâcher : il peut tout de même y en avoir une au dessus... jeu de mots.

Oui mais voila : jeu de mots scabreux. Je n'ai pas dit ma phrase maligne parce que je trouve le mot "pédale" extrêmement violent, méprisant et dégradant. Loin de ma bouche, Vilain (oui, je parle aux mots, parfois... et je continue à faire des jeux de mots dans les parenthèses) ! Vous me direz qu'il faudrait transformer le sens de "pédale" pour ne plus être touché par lui, à l'instar du mot "pédé" devenu presque affectif - tout du moins dans le milieu associé. Je vous accorde que m'auto-traiter de "pédé" m'amuse un peu et que le terme de "pédéland" sonne tel un élégant trait d'esprit à mes oreilles. Cependant, je n'oublie pas que "pédé" est le diminutif de "pédéraste" et, puisque j'en connais la signification, je reste réticent à l'utiliser. Je ne veux donc pas offrir une rose non plus à "pédale".

Mais la question va plus loin : je ne suis pas identifié comme gay au boulot. Par conséquent, puis-je faire des blagues vaseuses sur les homos sans passer - comme les gros lourds que l'on croise partout - comme homophobe ? La pression du diplomatiquement correct est omniprésente...
Autres circonstances. Face à ceux qui connaissent mes préférences de virilité, puis-je aussi faire ce genre de blague sans passer pour un masochiste ou même sans encourager les homophobes réels dans leurs convictions ?

Peut-on se moquer de soi-même devant n'importe qui ?
Sujet du Bac Philosophie 2009, toute section. Vous avez 4 heures et pas plus d'une feuille pour répondre (après c'est lourd à lire et à porter...).

4 commentaires:

  1. hello Lazare

    "Je suis perplexe face à une question à laquelle je ne sais que répondre"

    Mais bien sur que tu sais y répondre. Tu y as, du reste, répondu, et intelligemment.

    Cette retenue que tu as eu est révélatrice. Elle dit tout en fait !

    Tu pourras te lâcher quand tu seras "identifié" comme tu dis. En t'abstenant, tu montres (tu te montres) que tu refuses d'alimenter ce discours de beauf.

    C'est ta façon de répondre à cette question. Non ?

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  2. Si je ne suis pas "identifié", c'est que je craints les conséquences d'une telle annonce. Il suffit de regarder quelques statistiques pour se rendre compte que l'homosexualité et le monde professionnel s'entendent généralement mal, par exemple.

    En conséquence, mon silence est au moins en parti forcé, par soucis de préservation. Je ne suis pas sûr qu'il indique une prise de position de ma part...

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  3. Parfois, les mots s'affranchissent de leur histoire. La pédale a une connotation sympathique, qui se souvient qu'autrefois, la "grève" était une expression désignant ceux qui cherchaient du travail et qui se rendaient place de Grève (à pédéland, tiens) pour demander du boulot. Seuls les milieux d'extrême-droite emploient le terme surannée de "pédéraste", c'est rassurant. Toutes les communautés ont récupéré leurs insultes pour les faire leur. Moi ta blague, je la trouvais drôle. L'autodérision est notre force. Bizz !

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  4. Très vrai.
    Et, au moins, je me sens moins seul dans mon humour. Merci ! ;-)

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